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DANS LES MUSÉES

Secrétaire – Époque Louis XVI (1770–1775).

Estampille de Montigny (Philippe–Claude Montigny, 1734 – 1800)

En placage d’écaille, laiton, étain et ébène, orné de bronzes ciselés et dorés.
Marque de la jurande JME


Localisation : J.Paul Getty Museum, Los Angeles

Provenance : Galerie Kraemer

En savoir plus : Montigny et le Louis XIV revival  

Montigny et le Louis XIV revival

Ce secrétaire à abattant d’époque Louis XVI témoigne du retour aux codes stylistiques alors en vogue à l’époque du Roi Soleil.

Montigny, un ébéniste inspiré par le célèbre Boulle.

Né à Paris, il est le fils de Louis Montigny, ébéniste et ouvrier privilégié au faubourg Saint-Antoine. Il obtient sa maîtrise en 1766, à l’âge de trente-deux ans et reprend l’atelier de son père situé au pied de la Bastille, cour de la Juiverie où il vécut toute sa vie. Il collabore également avec René Dubois, son cousin, reçu maître ébéniste en 1755.

Montigny se spécialise dans la restauration des meubles de Boulle. L’ « Almanach Dauphin » le décrit comme « l’un des plus renommés pour les meubles en écaille et argent ou ébène et cuivre dans le genre des ouvrages du célèbre Boulle ». Montigny restaure les meubles de Boulle mais il lui arrive aussi d’en reproduire le style.
C’est ainsi qu’il réalisa ce secrétaire à abattant, présent au Musée Getty, en réutilisant des panneaux de marqueterie ancienne. L’influence du style de Boulle se sent dans toute l’œuvre de Montigny. Avec Etienne Levasseur, il est l’un des meilleurs représentants de cette technique très recherchée par les amateurs et collectionneurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Ces meubles sont facilement reconnaissables, comportant des pieds carrés à décrochements ou octogonaux avec toujours les mêmes festons de laurier en chapiteaux. Il construit des meubles aux formes architecturales et aux lignes soulignées de bronzes inspirés de l’antique. Il affectionne l’ébène, le bois de rose, le satiné et l’acajou qu’il utilise en placage sur ses créations.

On connaît de Montigny un ensemble de bureaux dans le pur style néoclassique développant une riche ornementation de bronzes sur un placage de bois sombre. Il applique également sa signature stylistique dans des encriers.

Montigny meurt en 1800. Aujourd’hui, ses meubles sont notamment conservés au Musée du Louvre, au Musée Jacquemart-André, au Metropolitan Museum de New York et au Getty Museum de Los Angeles.

Un exceptionnel secrétaire à abattant

De forme rectangulaire, ce secrétaire ouvre par un abattant en partie supérieure et par un vantail en partie inférieure. L’abattant découvre des étagères, plusieurs caissons et quatre tiroirs. Il est recouvert d’un dessus de cuir.
L’ensemble du meuble est recouvert de grands panneaux en marqueterie d’écaille de tortue, de laiton et d’étain à décors de rosaces, rinceaux feuillagés, fleurs, et volutes.

A l’origine, ces panneaux décoraient des dessus de table. Le secrétaire est orné d’une garniture en bronze ciselé et doré placée au niveau des dés de raccordement, en anneaux de tirage, en encadrement des panneaux et en ceinture. Au milieu de l’abattant se trouve un masque de personnage dans un soleil rayonnant. Le secrétaire repose sur quatre pieds toupie torsadés.

Au XVIIIe siècle et encore aujourd’hui, les secrétaires à abattant sont des meubles de bureau servant à l’écriture de la correspondance. En s’ouvrant, l’abattant dévoile un dessus de cuir destiné à la rédaction des courriers. Ce meuble très répandu au XVIIIe était ensuite destiné à conserver des documents, billets galants et autres correspondances. L’étymologie du mot secrétaire nous dévoile sa fonction première : tenir au secret.

Il est caractéristique du goût néoclassique qui réapparaît sous le règne de Louis XVI.
Ici, les références à l’Antique se retrouvent dans sa forme rectiligne et sévère mais également dans son ornementation : le mufle de lion en ceinture, les montants cannelés ornés d’asperges et la frise de poste faite d’enroulements de feuillages.

Le retour de l’antique

Le Boulle Revival marque un retour aux références à l’antique à la fin du XVIIIe siècle. Il s’agit d’une réaction à l’exubérance rocaille du temps de Louis XV.

Au milieu du siècle, le goût était tout autre : Gersaint qualifiait les meubles de Boulle « d’un goût ancien et différent de celui qui règne aujourd’hui ». Cependant, la fascination pour les meubles de la fin du XVIIe siècle réapparaît dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. En 1774, Jacques-François Blondel confie que les meubles Boulle « sont fort recherchés aujourd’hui, après avoir été constamment renfermés dans les garde-meubles ». C’est alors que ce style de meubles est à nouveau recherché et proposé par des marchands merciers à leur nouvelle clientèle. Madame de Pompadour sera l’une d’entre eux, François Boucher également.

Ce retour en grâce des meubles dans le style de Boulle est tel qu’il était devenu courant de donner une nouvelle vie aux anciens panneaux de marqueterie. Les meubles de cette époque lointaine nécessitent cependant quelques restaurations afin de leur redonner leur lustre d’antan. Des ébénistes comme Montigny et Levasseur s’y spécialisent. La valeur historique des meubles n’est pas encore dans les esprits, c’est alors que les marqueteries de certaines pièces sont démontées pour être appliquées sur des meubles nouveaux. Les grandes armoires et cabinets disparaissent pour laisser place à des meubles bas destinés à accueillir des collections de petits objets.

Les meubles du Boulle Revival connaissent leur apogée dans les années 1770, décennie durant laquelle a été conçue le secrétaire à abattant du Getty Museum.