Pierre Soulages (1919 – 2022)
Peinture, 13 juin 1991
50,5 x 81 cm – Huile sur toile
Outrenoir
Plus de la moitié des œuvres de Pierre Soulages sont des peintures à majorité chromatique noire. Champ chromatique regroupant les teintes les plus obscures, il est généralement admis que le noir est une non-couleur, qui ne reflète qu’une part négligeable de la lumière visible. Pierre Soulages en a fait son royaume expressif et paradoxalement l’expression de la luminosité en peinture.
C’est en 1947 que Pierre Soulages expérimente pour la première fois l’intensité chromatique de la couleur noire, en l’élevant comme point de départ de toutes ses créations. Il refuse le colorisme de ses pairs. L’artiste associe alors sa couleur reine avec notamment du blanc, pour mettre en valeur un jeu d’opposition chromatique fort. Après être passé par un colorisme délicat dans les années 1950, où le contraste entre blanc et noir est à peine perturbé par de légers aplats ocres et bleus, l’artiste fait du noir sa couleur ultime, la seule qui ait pu se suffire à elle-même.
Ces peintures, d’abord désignées par le mot « Noir-Lumière » ne se sont pas limitées à un phénomène optique et c’est pourquoi Pierre Soulages a très vite inventé le mot « outrenoir » pour les désigner. L’outrenoir définit selon l’artiste lui-même, « un autre champ mental que celui du simple noir », au-delà des frontières ou des idées arrêtées.
Depuis 1979, Pierre Soulages crée des œuvres où aucune autre nuance colorée ne semble pouvoir détrôner son intensité et sa force. Le noir est pour Pierre Soulages un retour aux origines, comme une renaissance et la mise en valeur du vrai, et de l’essentiel.
La force du noir
Pierre Soulages disait : « J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence et sa radicalité ». Une dynamique propre à ses toiles se dégage de son art entre tension et équilibre, le travail est empreint de force et de justesse. Les stries, les rayures, les aplats dans ses œuvres sont là pour dynamiser la couleur ultime, en créant une opposition entre le lisse de la surface et l’épaisseur volontaire des marques.
L’artiste confectionne lui-même ses propres pinceaux et use d’outils parfois peu académiques pour rendre de la matière à la surface de sa toile, de la manière la plus vivante et la plus frappante possible. Le monochrome est alors poussé à son paroxysme, vibrant à la surface de la toile.
C’est également à cette époque que Pierre Soulages crée une nouvelle structure interne pour ses œuvres parfois très grandes, allongées voire monumentales. Cela ajoute un peu plus à la force qui se dégage d’ordinaire de ces tableaux recouverts de noir.
L’historien de l’Art, Georges Duby, raconte en ces termes la première exposition des toiles noires de Pierre Soulages en 1979 « L’énergie que l’œuvre recèle procède de cette tension véhémente qui maintient captive, subjuguée (…), intensément comprimée, la fougue d’un invincible pouvoir. » Il parle alors de « triomphe éphémère ».
Bibliographie
Soulages. L’Œuvre complet, peintures, T1 : 1946-1958, T2 : 1959-1978, T3 : 1979-1997, Paris, Éditions du Seuil, 1994,1996,1998 ; T4 : 1997-2013, Paris, Gallimard, 2015, (catalogue raisonné des 1554 peintures sur toile).
Soulages. Les Peintures. 1946-2006, Paris, Le Seuil, 2007 (réédition du précédent ouvrage, augmentée d’un chapitre concernant la période 1998-2006, mais avec beaucoup moins de reproductions)
Et plus en ligne
pierre-soulages.com
musee-soulages-rodez.fr