DANS LES MUSÉES : Musée Nissim de Camondo 

Deux tableaux en tapisserie polychrome – Époque Louis XV

Natures mortes en tapisserie
Manufacture royale de la Savonnerie


Provenance : Galerie Kraemer
Localisation : Musée Nissim de Camondo, Paris.

En savoir plus sur la tapisserie de la Manufacture Royale de la Savonnerie

Tableaux en tapisserie

DES FLEURS ÉTERNELLES EN TAPISSERIE

Réalisée par la Manufacture Royale de la Savonnerie, cette paire de natures mortes aux bouquets de fleurs témoigne de la vogue des tableaux en tapisserie.

La manufacture royale de la Savonnerie

La production de tapisseries remonte au règne d’Henri IV, lorsque ce dernier ordonne la création d’une manufacture de tapis « façon de Perse et Levant » dans les galeries du Louvre. Son fils, le roi Louis XIII, poursuit l’initiative de son père en installant la manufacture dans une ancienne fabrique de savons sur les bords de la Seine. Voici d’où provient le terme de « Savonnerie ».

L’année 1663 marque un nouveau tournant pour la Manufacture. En effet, elle est dorénavant sous la direction de Charles Le Brun au même titre que les Gobelins autrefois dévolus à la teinture.

La Savonnerie expérimente alors une période de grande prospérité grâce à de nombreuses commandes voulues par le Roi. La décennie 1660 est particulièrement productive, avec notamment la livraison de l’ensemble de tapis destiné à la galerie d’Apollon et celui de la Grande Galerie, les deux pour le Louvre. Ces commandes s’inscrivent dans le projet de rénovation du Louvre de Louis XIV qui souhaite réaffirmer son pouvoir.

Le XVIIIe siècle verra également d’importantes commandes, notamment de la part de Louis XV pour Versailles et Fontainebleau. De nombreux artistes collaborent à la création d’ensembles de tapisseries. Les arts ont toujours participé à affirmer la puissance d’un roi et de son royaume.

 

Les natures mortes 

La nature morte est un genre qui se caractérise par la représentation de choses inanimées, issues de la nature ou étant le résultat des activités humaines. Dès le XVIIe siècle, elle souffre de la hiérarchie des genres édictée par André Félibien à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il la classe à la dernière position des genres, considérée comme le moins noble des sujets.

Cependant, les natures mortes ont toujours séduit les collectionneurs qui les appréciaient pour leurs valeurs esthétiques et avant tout décoratives. Les peintures de bouquets de fleurs ornaient les intérieurs cossus des particuliers, mais étaient également très prisées pour les grandes décorations.

Au XVIIe, Monnoyer s’illustre comme le maître du genre, et au siècle suivant c’est le néerlandais Van Huysum qui sera très apprécié.

Un bouquet de fleurs pour les Camondo

Ces natures mortes nommées Vases de fleurs sont deux panneaux en tapisserie de la manufacture de la Savonnerie. Ils ont été exécutés en laine entre 1680 et 1700. Mesurant 77 cm de hauteur sur 65 cm de largeur, ils représentent chacun un bouquet de fleurs dans un vase posé sur un entablement de marbre, sur fond brun.

Cette paire orne aujourd’hui la salle à manger lambrissée de boiseries peintes en vert. Dans la même pièce est installée une tapisserie de Beauvais « La pêche au filet » reprenant une composition de Canova. Les Camondo semblent priser les tapisseries et particulièrement les natures mortes car la salle à manger est également ornée de La Brioche et Le service à crème, deux pendants tissés d’après les œuvres d’Anne Vallayer-Coster à la manufacture des Gobelins. Vallayer-Coster est l’une des peintres de natures mortes les plus connues du XVIIIe siècle.

La famille Camondo

Les Camondo sont une grande famille de cinq générations, originaire de la péninsule ibérique. Surnommés les Rothschild de l’Orient, ils fondent l’une des banques les plus importantes du XVIIIe siècle à Constantinople. Ils sont ensuite anoblis par Victor Emmanuel II.

C’est à la fin du Second Empire que les deux frères Nissim et Abraham-Behor s’installent à Paris suite à l’extension de leurs affaires en Europe. Ils occupent alors deux hôtels particuliers dans la plaine Monceau. Ils ont chacun un fils : Moise et Isaac qui commencent à constituer une collection d’œuvres d’art. Isaac a hérité cette passion de son père. Il marche dans ses pas en intégrant la banque familiale. Mais après les décès successifs de ce dernier et de son oncle, il décide de consacrer plus de place à sa passion pour l’art.

Isaac est l’un des premiers à collectionner les arts d’Extrême-Orient et prend part activement à la vie culturelle et muséale parisienne. En effet, il participe à la création de la Société des amis du Louvre en 1897, du conseil de l’Union centrale des arts décoratifs deux ans plus tard, et de la Société des artistes et des amis de l’Opéra en 1904, car sa passion ne limitait pas aux arts décoratifs. Il n’aura pas de descendance.

De son côté, Moïse constitue également sa propre collection qui ne rassemble que des objets du XVIIIe siècle. Il fait alors construire un écrin pour accueillir ses collections : il détruit l’hôtel paternel et fait construire un hôtel particulier dans le goût néoclassique. Il n’oublie cependant pas d’y intégrer tout le nouveau confort moderne.

Il a un fils, Nissim, qui meurt tragiquement dans les combats de la Première-Guerre Mondiale, et une fille nommée Béatrice, mariée à Léon Reinach, ainsi que deux petits-enfants, Bertrand et Fanny.

Mais Béatrice ainsi que toute sa famille seront déportés lors de la Seconde Mondiale, mettant un terme à la dynastie des Camondo.

En souvenir de son fils, Moise de Camondo, légua en 1935 son hôtel particulier et toute sa collection d’objets d’art à l’État français. Sa demeure devient le musée Nissim de Camondo et entretient la mémoire de toute une famille au service de l’art.