DIALOGUE ENTRE LES ÉPOQUES 

Fernand Léger et la commode en laque

Fernand Léger est l’une des figures majeures de l’art moderne en France dans la première moitié du XXème siècle. Son art sera stimulé par son installation à la Ruche où il découvre le tourbillon artistique parisien et où il fait des rencontres déterminantes dans sa formation.

Il s’affranchit rapidement des influences de Braque et de Picasso pour développer un style personnel fondé sur le contraste des formes et des couleurs.

Lorsqu’il réalise cette œuvre, Fernand Léger est en voyage à New-York où il présente son projet de décoration de Radio City, l’une des tours des nouveaux complexes de Rockefeller.

Il démontre ainsi sa volonté de s’inscrire dans la modernité et de participer aux renouveaux artistiques.

Les années 1930 sont celles de la reconnaissance internationale pour Léger pendant lesquelles il rompt avec l’esthétique mécanique qu’il privilégiait jusqu’alors. Un retour à une tradition picturale s’opère avec l’apparition d’un dialogue avec l’architecture. Léger construit ses toiles par contraste entre objets, figures et éléments abstraits.

Dans Composition Monumentale, il affirme son appartenance au style Cubiste, et plus précisément au Tubiste.

« Je suis satisfait si dans un appartement mon tableau commande la pièce ; s’il s’impose à tous, gens et meubles. Il doit être le personnage le plus important. J’ai horreur de la peinture discrète. »

Ébéniste parisien d’origine allemande, Jean Holthausen obtient sa maîtrise en 1764. 

Son œuvre couvre les mouvements Régence, Louis XV et Transition, mais ayant obtenu sa maîtrise tardivement, peu de ses meubles sont estampillés. Ses réalisations révèlent une préférence pour les marqueteries de fleurs, de cube, d’attributs et il se démarque par un attrait pour les laques d’Extrême-Orient sous forme de placage.

Les laques dits « de Coromandel » ont été mis au point à partir du XVIIè siècle en Chine. Elles ont été nommées ainsi par les Anglais, en référence à la côté orientale de l’Inde où étaient chargées les laques sur les navires de la Compagnie des Indes. La technique du laque est la superposition de fines couches de bois recouvertes de tissu maintenues entre elles par de la colle végétale. Le laque obtenu était ensuite peint et décoré de motifs par de profondes incisions.

Ces laques décoraient à l’origine des cabinets et des paravents de grande taille qui étaient ensuite démontés par les artisans européens afin de les appliquer sur les meubles à la mode. C’est ainsi que des panneaux de laque se sont retrouvés sur les commodes, encoignures et autres meubles.

Cette commode en laque de Coromandel reflète le goût pour l’Orient des pays occidentaux et particulièrement de la France dès 1730 à partir du règne de Louis XV, sous l’influence des marchands-merciers. Ils prélevaient le laque sur les meubles importés qu’ils affinaient ensuite pour les plaquer sur le bâti de leur meuble. Une fois intégrés au meuble, ces laques recevaient des montures en bronze doré finement ciselées.

A travers cette commode, Holthausen réalise un magnifique exemple de la pratique de son temps où l’artisan décide d’apposer le laque sur un meuble de couleur noire afin de créer un ensemble harmonieux et respectueux de l’esthétique originelle du panneau. 

La forme légèrement bombée de la façade donne vie aux personnages dépeints sur les panneaux de laque. Les bronzes se retrouvent discrètement en chutes, en lignes de chute, en sabots, en entrées de serrure et en poignées. Ils viennent définir et rehausser les lignes très délicates de la commode par leurs jeux de courbes et contre-courbes dignes du style Louis XV. Le dessus de marbre noir veiné vient sommer l’ensemble et souligner le galbe du meuble par sa mouluration délicate.

Les meubles ornés de laque sont rares dans l’œuvre de Holthausen, ce qui fait de cette commode un modèle unique en son genre.

Léger dialogue avec Holthausen

Un véritable dialogue s’établit entre ces deux œuvres que plus de deux siècles séparent. Elles se répondent par leur singularité. La géométrie des formes et les teintes contrastées se répondent pour nous offrir un ensemble harmonieux et audacieux. Cernée d’un liseré doré, la toile de Léger nous expose sa modernité et amplifie alors celle de la commode de Holthausen qui nous apparaît alors de manière frappante.

La pendule Louis XVI réalise la liaison entre ces deux œuvres, son bronze doré et finement sculpté nous rappelant ceux de la commode et du cadre de la toile de Léger. Les deux petits angelots, allégories de l’Amour et de l’Amitié, semblent ici nous inviter à la comparaison. L’association de ces deux meubles accompagnés par la pendule nous permet d’assister à un dialogue entre les époques et les savoirs-faire.